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Canaille le Rouge, son c@rnet, ses p@ges.

Espace d'échanges, de rêves, de colères et de luttes. Alternative et horizon communiste. point de vue de classe.   Quand tout s'effondre, ce n'est pas aux causes des ruines de gérer le pays mais à ceux qui sont restés debout.

SDF de tout pays* ... Révoltez- vous

Publié le 6 Novembre 2016 par Canaille Lerouge in Coup de gueule, Poésie poing tendu, social, lutte de classe, se coltiner au quotidien

Quand le F-haine ferme les accueils

du secours populaire.

Quand la droite armée de son extrême

fait barrage aux lieux d'abris.

Quand l'égoïsme du 16e

concoure avec les ordures

drapés dans le rejet de l'autre d'ici ou là.

Ce poème de Jean Richepin :

Jean-Désiré Ringel d'Illzach : Richepin en janvier 1892, Bibliothèque nationale de France

Jean-Désiré Ringel d'Illzach : Richepin en janvier 1892, Bibliothèque nationale de France

Première gelée

Jean Richepin

Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.

Ainsi qu'un dur baron précédé de sergents, 
Il fait, pour l'annoncer, courir le long des rues 
La gelée aux doigts blancs et les bises bourrues. 
On entend haleter le souffle des gamins 
Qui se sauvent, collant leurs lèvres à leurs mains, 
Et tapent fortement du pied la terre sèche. 
Le chien, sans rien flairer, file ainsi qu'une flèche. 
Les messieurs en chapeau, raides et boutonnés, 
Font le dos rond, et dans leur col plongent leur nez. 
Les femmes, comme des coureurs dans la carrière, 
Ont la gorge en avant, les coudes en arrière, 
Les reins cambrés. Leur pas, d'un mouvement coquin, 
Fait onduler sur leur croupe leur troussequin.

Oh ! comme c'est joli, la première gelée ! 
La vitre, par le froid du dehors flagellée, 
Étincelle, au dedans, de cristaux délicats,
Et papillotte sous la nacre des micas 
Dont le dessin fleurit en volutes d'acanthe. 
Les arbres sont vêtus d'une faille craquante. 
Le ciel a la pâleur fine des vieux argents.

Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.

Voici venir l'Hiver dans son manteau de glace. 
Place au Roi qui s'avance en grondant, place, place ! 
Et la bise, à grands coups de fouet sur les mollets, 
Fait courir le gamin. Le vent dans les collets 
Des messieurs boutonnés fourre des cents d'épingles. 
Les chiens au bout du dos semblent traîner des tringles. 
Et les femmes, sentant des petits doigts fripons 
Grimper sournoisement sous leurs derniers jupons, 
Se cognent les genoux pour mieux serrer les cuisses. 
Les maisons dans le ciel fument comme des Suisses. 
Près des chenets joyeux les messieurs en chapeau 
Vont s'asseoir ; la chaleur leur détendra la peau. 
Les femmes, relevant leurs jupes à mi-jambe, 
Pour garantir leur teint de la bûche qui flambe 
Étendront leurs deux mains longues aux doigts rosés, 
Qu'un tendre amant fera mollir sous les baisers. 
Heureux ceux-là qu'attend la bonne chambre chaude ! 
Mais le gamin qui court, mais le vieux chien qui rôde, 
Mais les gueux, les petits, le tas des indigents...


Voici venir l'Hiver, tueur des pauvres gens.

* Que ceux qui moins précaire disposent d'un toit en fasse autant

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